Synergies-Developpements

Tableau de Descartes accompagné de la phrase : "Merci et au revoir monsieur Descartes !"

Sortir de l’âge de pierre cognitif, enfin l’âge de René (Descartes) !

Notre civilisation thermo-industrielle doit beaucoup à la pensée de René Descartes qui, en raison des principes admis dans sa méthode, a ouvert la voie vers une compréhension facilitée de la réalité qui nous entoure grâce aux 4 principes suivants ici résumés :

  • L’évidence : « …de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle ; c’est-à-dire, d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute. »
  • L’analyse : « de diviser chacune des difficultés que j’examinerais, en autant de parcelles qu’il se pourrait, et qu’il serait requis pour les mieux résoudre. »
  • La synthèse et le raisonnement : « de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu comme par degrés jusques à la connaissance des plus composées, et supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres ».
  • Le dénombrement : « de faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre. »

Chacun reconnaitra les contours de ce qui est appelé communément avoir un raisonnement « cartésiens », sous-entendu, dans beaucoup d’esprits, « un raisonnement clair, précis et juste ». Du Taylorisme au Lean management interprété à l’occidentale nos démarches, méthodes et outils sont profondément issus de la pensée cartésienne encore réduite par le pragmatisme de Sanders Peirce[1].

Les processus de résolution de problème analytiques, majoritairement mis en œuvre pour trouver des solutions aux situations des plus simples aux plus complexes, grâce à des astuces telles que le réductionnisme, ont très largement contribué à l’avancée spectaculaire de la science et des technologiques.

Nous pouvons aussi retenir la maxime « toutes choses égales par ailleurs » qui, considérant la stabilité des hypothèses de travail, permet de limiter leur nombre dans les analyses. Ceci ayant pour objectif de faire apparaitre plus aisément des liens de causalité linéaires et de développer des modèles que nous estimons prédictifs.

Or, si dans une société au sein de laquelle les interconnections sont limitées et la vitesse des flux matériels et immatériels modérée, dans celui d’aujourd’hui, où nos échanges sont mondialisés, interculturels avec un niveau de démographie jamais atteint et les distances qui nous séparent des autres réduites par l’instantanéité des flux immatériels, la pensée de Descartes n’est plus suffisante pour comprendre le monde et prendre des décisions adaptées.

Nos organisations sociales continuent pourtant à adopter majoritairement ce mode de raisonnement qui, biaisé par nos besoins de faire sens d’une réalité qui nous dépasse et le réflexe de chacun d’affirmer sa vérité comme une manière de se protéger en réduisant les hypothèses à considérer, nous amène à faire le constat suivant[2] :

  • Le nombre d’éléments en interaction voue à l’échec la recherche de liens de causalité et difficile la priorisation des sujets à traiter : nécessité de voir les problèmes comme des systèmes interagissant avec d’autres systèmes et formant un tout indissociable en acceptant l’idée d’une compréhension partielle et partiale d’une problématique.
  • L’ambiguïté dans nos communications induites par des fossés culturels au sein même d’une organisation en raison de l’ultra spécialisation des activités, induit de nombreux biais et du bruit dans nos raisonnements, y compris collectifs : nécessité de développer des méthodes de travail spécifiquement pensées pour réduire l’effet des biais et du bruit dans nos réflexions et décisions stratégiques.
  • La volatilité des hypothèses de travail induit des modifications constantes du problème à traiter et rend obsolètes les solutions mises en œuvre : nécessite de mettre en œuvre des processus de régulation des analyses et décision et pour ce faire, mettre au cœur des réflexions la question des finalités devant celle des moyens (dont les méthodes).
  • Le degré d’incertitude, relatif à des hypothèses structurantes, rend impossible l’analyse exhaustive d’une problématique tout comme la conception de solutions dont la prédictibilité assurée des résultats : nécessite de mettre en œuvre une démarche basée expérientielle et apprenante, pour faire émerger, chemin faisant, les solutions adaptées.

De manière complémentaire à d’autres études sur la résilience qui visent à développer des solutions dans les grands domaines de la vie en société (énergie, alimentation, accès aux ressources naturelles par exemple), j’ai acquis la conviction (nourrie par l’expérience et les rencontres) que la capacité de nos sociétés à trouver des solutions efficaces est intimement dépendante de la manière dont nous réfléchissons et prenons des décisions individuellement et collectivement.

Cela parait trivial dit comme cela, cependant, observez comment nos sociétés réfléchissent aux problématiques sociétales et vous comprendrez que c’est loin d’être compris… et encore moins mis en œuvre. Nous mettons tout dans des cases pour traiter ces sujets avec des experts de la thématique, comme par exemple la mobilité qui n’est finalement que la conséquence de choix de société multiples.

Ainsi, si des méthodes issues de la pensée complexe étaient mises en œuvre plus systématiquement, nos sociétés seraient probablement capables de développer rapidement et de manière dynamique, des solutions adaptées à la relève des grands défis sociétaux dans un contexte particulièrement incertain et instable.

Or, si changer de « logiciel » à l’échelle d’un individu est déjà un exercice compliqué, le faire à l’échelle d’un territoire relève d’une transformation culturelle profonde.

Professionnels de l’accompagnement, managers, leaders, citoyens du monde, nous devons transformer nos référentiels culturels pour faire cohabiter, aux côtés de la pensée héritée de Descartes (notamment), la pensée complexe et en rendre effectives, sur le terrain, les déclinaisons méthodologiques.

Ainsi, pour paraphraser Jacques Le Menestrel et Marc Schpilberg en référence à leur excellent ouvrage paru en 2000[3], il me semble être le moment de dire :

Au revoir et merci monsieur Descartes !

[1] Pragmatisme : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Sanders_Peirce

[2] Informations structurées selon la modélisation VUCA : Volatilité, incertitude, complexité et ambiguïté – Wikipédia (wikipedia.org) :

[3] https://www.editions-eyrolles.com/Livre/9782708122376/au-revoir-et-merci-taylor

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