Synergies-Developpements

La pédagogie de la pensée complexe appliquée et de l’approche systémique ?

Aujourd’hui, les termes « complexité » et « systémique » sont rentrés dans le vocable courant… à tel point que nous pourrions penser que s’est acquis, que notre société a enfin découvert ce paradigme et sait le mobiliser…

Or, c’est loin, c’est très loin, c’est très très loin d’être le cas…

Pour une très grande majorité des personnes qui utilisent ce vocabulaire, y compris dans un contexte professionnel, « complexe » signifie « très compliqué » et « systémique », tout au mieux signifie « global ».

Cette manière de définir ce vocable est non seulement erronée mais surtout, participe à nous laisser croire que nous sommes armés pour appréhender les situations complexes. Qu’il nous suffit de connaitre quelques « outils » pour « maitriser la complexité »… expression qui est d’ailleurs un oxymore sans que nous en soyons conscients.

De même, aux côtés du terme systémique, nous voyons fleurir dans beaucoup de bouches le terme « modélisation ». Ainsi, parce que nous « modélisons », nous pensons comprendre.

Or, comme l’aime à nous le rappeler Philippe Vallat, « tous les modèles sont faux, certains sont utiles ». La modélisation systémique est loin d’être une « science exacte » (pour reprendre aussi une expression qui ne veut rien dire mais que nous utilisons dans le langage courant comme si la connaissance scientifique pouvait être exacte dans le sens « figée dans le temps »).

Le travail de modélisation, aussi rigoureux soit-il (et de la rigueur, il en demande le bougre !) n’est qu’une astuce que nous avons trouvé pour nous faciliter la compréhension du réel… cependant, le modèle n’est pas le réel, tout comme « la carte n’est pas le territoire »…

Plus de 25 ans que je triture la matière de la complexité, de la systémique de l’intelligence collective sur le terrain, au quotidien, pour progressivement, disposer de clés de lecture qui me permettent aujourd’hui d’en parler, à la fois en tant qu’expert du sujet et à la fois conscient de l’humilité nécessaire pour travailler de manière efficace avec ces concepts.

Depuis quelques années, alors que ces termes deviennent de plus en plus « courants », je me questionne sur la manière de les rendre « concrets », « accessibles » pour les personnes qui les emploient.

Comment mener une pédagogie de la pensée complexe appliquée et de l’approche systémique alors que ce vocable appartient à un paradigme à mille lieux, antagoniste par beaucoup d’aspect, avec celui qui structure nos vies quotidiennes et amène nos organisations humaines à prendre des décisions stratégiques fortement engageantes ?

En la matière, avec mes paires, j’ai acquis la conviction que seule l’expérience vécue sur un sujet réel, non facultatif, essentiel, dans la « vraie vie », permet à une personne (et un collectif) non initiée de déconstruire progressivement son système de croyance pour l’amener à comprendre les ressorts de cette autre manière de penser le monde.

Dans notre monde pour qui la pédagogie est synonyme exclusive du format « formation » (il n’y a que la modalité « formation » qui est pris en charge par les fonds de financement de la professionnalisation), cette modalité est culturellement incontournable. Je suis convaincu qu’elle à ses vertus.

Cependant, expliquer les choses ne permet pas à celui qui reçoit ces explications de les comprendre. Tout au mieux, expliquer dans un format pédagogique classique permet de rendre conscient celui qui reçois l’information qu’il ne sait pas. Cette modalité pédagogique permet d’enclencher la première étape du processus de monté en compétence, être « consciemment incompétent ».

C’est déjà une première victoire majeure… cependant elle engrange aussi de frustration et peut donner naissance à des sentiments tels que la « peur du vide », un inconfort pouvant être perçu extrême selon sa sensibilité à l’inconnu, à l’effondrement de ses repères. Il est nécessaire alors, pour celui qui sait un peu mieux que son auditoire, de faire preuve qu’une grande bienveillance et d’installer des conditions pour que ces personnes puissent disposer à l’issue de cette action courte, de quelques clés de lectures, déjà des premiers réflexes, leur permettant d’engager leurs premières expérimentations sur des sujets qui font leur quotidien.

C’est ce que j’essaie de faire, notamment en faisant expérimenter cet outil, l’analyse VUCA, dont la finalité est d’élargir le cadre de réflexion et de complexifier la pensée d’un collectif pour éclairer d’une autre lumière une situation dite « complexe » et l’aider à caractériser cette situation dans son écosystème, de mettre le doigt sur des risques à mitiger et des opportunités à saisir.

L’outil, dans le monde de la complexité, ne résout pas le problème, tout au mieux il aide à mieux le comprendre et guide la décision stratégique. Ce n’est que ça et pourtant c’est déjà énorme !

Ce début de semaine, j’ai eu grand plaisir d’animer un séminaire de deux bonnes journées « Immersion en pensée complexe et approche systémique » auprès d’un groupe constitué des collaborateurs de la Direction Exécutive de la Recherche et de la Prospective l’ADEME ainsi que d’autres collaborateurs de cette organisation en avant-poste sur ce champ de connaissances et de compétences essentiel à l’accélération de notre société sur les grands enjeux écologiques et sociétaux.

Grâce aux feed-back des participants dans le cadre de mes diverses interventions (par exemple dernièrement à l’ADEME, pour France Ville Durable, dans le Territoire du Haut Doubs ou le Genevois au sein duquel nous travaillons dans de multiples projets depuis 2006), j’identifie ce qui fonctionne d’un point de vue pédagogique et ce qui peut être amélioré pour faciliter une première immersion dans ce monde haut en couleur qui, de prima bord, peut paraitre compliqué à appréhender et qui, soyons honnête… peut foutre la frousse !

Non pas que la pensée complexe et l’approche systémique soit difficile « techniquement » à appréhender mais plutôt que cette manière d’adresser les sujets, augmente considérablement le niveau de conscience sur les sujets. Or, parfois, mettre la tête dans le sable, ne pas savoir pourrait paraitre beaucoup plus confortable.

En réalité, c’est le choc cognitif qui est difficile à digérer. Cependant, cet état de conscience une fois accepté, ouvre des portes vers l’action efficace et un sentiment incroyable de liberté humble amenant à une forme de sérénité et de lâcher prise constructive face à la complexité qui nous entoure et les défis à relevés sur lesquels, nous pouvons réellement agir, si nous le voulons bien !

  • Vous avez de l’expérience en matière d’action de professionnalisation relative à ce champs disciplinaire ?
  • Vous avez des trucs et astuces pédagogiques à partager ?
  • Vous avez des doutes et des questionnements ?

… Alors parlons-en !

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